Les falaises se rapprochent (The cliffs get closer together)


In conversation with Tanya Lalo Penashue, Mathias Mark and Mariette Mestenapeo
Photography and sound
2017-2018




Where the cliffs get closer together, there is also a river that narrows. The title refers to two places: Québec City and a campsite on the Pakua Shipu, a river on the Lower North Shore of the Saint Lawrence. Photographs of the land and conversations in Innu-Aimun and French allow us to imagine ourselves travelling inland and hearing the voices of those who live there. Les falaises se rapprochent represents a commitment to listen and to engage in dialogue, to bring cultures closer despite physical distance. The conversation evokes the intimate relationships that exist between orality and memory, language and territory.



Mathias Mark, Tanya Lalo Penashue et Mariette Mestenapeo viennent de Pakuashipi, une communauté située sur la Basse-Côte-Nord du fleuve Saint-Laurent. Ils vivent sur les rives de la Pakua Shipu, une grande rivière qui mène vers l’intérieur des terres – le nutshimit –, où les Innus vivaient traditionnellement durant la saison hivernale, suivant les hardes de caribous. Aujourd’hui, grâce aux enseignements des aînés, Mathias Mark s’investit dans l’apprentissage des compétences et des connaissances de sa culture innue traditionnelle, afin d’en faire le partage aux nouvelles générations. Inspirée de son expérience avec sa grand-mère maternelle, Tanya Lalo Penashue transmet à son tour à ses enfants l’importance d’être en contact avec le territoire. Jeune entrepreneure, elle a récemment ouvert un dépanneur pour servir sa communauté. Dans son enfance, Mariette Mestenapeo partait tous les automnes, pendant trois mois, dans le nutshimit, avec ses parents et ses grands-parents. Elle travaille aujourd’hui au centre de santé de Pakuashipi.


En innu-aimun, les mots qui désignent l’est, le sud, l’ouest et le nord désignent aussi la direction des vents ou des courants des rivières. Ce ne sont pas des points précis, mais des forces en mouvement. En écoutant Mathias, Tanya et Mariette, j’ai l’impression que leurs voix sont elles aussi en mouvement, comme des vents qui parcourent le territoire, chacun à sa façon.

Mamit, l’est. Là où le soleil se lève, c’est le début, ou simplement la continuité. C’est de là que vient la voix de Mathias, de là qu’il emprunte les sentiers des ancêtres. Ses récits sont accompagnés de gestes pointant dans différentes directions.

Akua-nutin, le sud. L’eau douce des rivières se mêle à l’eau salée du golfe. C’est le lieu de rencontre de ces chemins d’eau qui nous relient de Uepeshekat, lieu de campement et d’activités sur la Pakua Shipu, jusqu’à Uepishtikueiau, nom innu de Québec.

Natimit, l’ouest. Là où on dépose nos mémoires, le soir tombé. Tanya creuse loin dans ses souvenirs, vers des images logées au creux d’elle-même, presque sur le point de s’échapper. Le territoire l’habite, la constitue; pour lui rendre visite, elle n’a qu’à retourner son regard vers elle.

Tshiuetin, le nord. Vers l’intérieur des terres. Je vois dans les yeux de Mariette qu’elle peut voir ce qu’elle me raconte. En innu, elle regarde loin, très loin. Puis elle revient vers moi, le temps de traduire ses souvenirs en français. Elle voyage de là-bas à ici en se promenant entre l’innu-aimun et le français.

Assi, la terre. Nos voix se rencontrent sur ce même territoire, sur cette terre qui accueille le cycle des jours, des saisons, et de la vie.